Vous avez dit Heterarchy ?

Publié le lundi 1 avril 2019.

Entreprise libérée, Holacracy, Podularity, Adhocracy … Face aux crises de l’entreprise traditionnelle et aux attentes croissantes des millenials, les nouveaux modèles d’organisation du travail en entreprise abondent.

L’objectif principal de ces modèles ? Libérer les salariés et en les rendant autonomes dans leurs actions et leurs décisions afin de tirer parti de toutes leurs capacités cognitives. L’idée est de ne plus contraindre le salarié par les directives d’un supérieur hiérarchique et de l’inciter à prendre des initiatives et donner le meilleur de lui-même pour l’entreprise.

Popularisée dans les théories des organisations par Serge Moscovici (2012), l’hétérarchie organisationnelle « suppose une organisation décentrée, transformable par ceux qui en sont les acteurs, prête à se modeler au gré de ses auteurs, toujours destinée à sauvegarder un certain degré de liberté et d’initiative par l’appui qu’elle donne à toutes les fractions qui la composent ». Cette décentralisation des pouvoirs et cette mise en avant du salarié en tant qu’élément du tout qu’est l’entreprise, caractérise une partie de ces nouveaux modèles, mais la mise en place de dispositifs de ce type doit s’affranchir de quelques idées reçues caractérisant l’entreprise dite libérée (Getz, 2009).

 

Heterarchy n’est pas Anarchy !

L’une des idées communément partagées à propos de ces modèles est qu’une entreprise sans hiérarchie est une entreprise où  » c’est la fête «  et où  » chacun fait comme bon lui semble ». Or, le choix du terme englobant ces modèles n’est pas un choix anodin. Tiré de la conjonction entre Heteros (Autre) et Arckhein (Commander), le terme hétérarchie signifie, en somme, le « Commandement par les autres ».

Il ne s’agit donc plus, dans ce contexte, d’une liberté totale et d’une insubordination de l’acteur dans l’organisation mais d’une subordination de chacun au groupe dans lequel il est intégré. En tant que membre d’un collectif, le salarié hétérarque agit dans un cadre clair lui procurant droits et devoirs et conditionnant, en quelque sorte, son action.

Ainsi, la conception d’une telle organisation ne peut, pour être efficace, passer par l’abolissement complet de toute règle et procédure. Il faut, au contraire, multiplier les règles et dispositifs afin d’inscrire l’action de l’individu au sein d’un système d’action coordonné, lui permettant d’agir de son initiative individuelle dans le sens du collectif plutôt qu’en réponse à des prérogatives émises par les échelons supérieurs.

 

Autonomie n’est pas Indépendance !

Dans une société d’auto-entrepreneurs, rappelant parfois le « domestic system » préindustriel, la frontière entre autonomie et indépendance semble relativement fine. Cependant, bien qu’autonomes (dans le sens où ils disposent de la capacité de gérer la manière dont ils travaillent, des pouvoirs d’actions et de l’autorité liés à la réalisation de ce travail), les salariés d’organisations non hiérarchiques ne peuvent être qualifiés d’indépendants. En tant que partie d’un tout formé par le collectif, ils sont tributaires des actions menées et des décisions prises par le reste du groupe et les activités qu’ils réalisent, prennent place dans un système d’actions coordonné.

Dans ce contexte, la constitution d’un modèle d’organisation du travail hétérarchique ne peut se résumer par le regroupement d’auto-entrepreneurs indépendants. Chacun des membres de l’organisation est subordonné au groupe et doit agir de manière cohérente et coordonnée avec le groupe. L’aplanissement de la ligne hiérarchique ne correspond pas à la section des liens entre les individus, ces liens sont plutôt restructurés d’une manière plus horizontale.